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Les paysans coincés entre l'armée et les narcos

Article publié le 1er juillet 2018 par Ouest-France

Le Mexique élit aujourd’hui son Président et ses députés. Dans l’État du Guerrero, une candidate d’opposition veut légaliser la culture du pavot médicinal, pour mettre fin à l’emprise des narcotrafiquants. Mais pas facile de faire campagne dans un pays où plusieurs dizaines de candidats ont été assassinés.

Pour pénétrer dans la sierra du Guerrero et rencontrer les cultivateurs de pavots à opium, il ainsi faut demander l’autorisation aux narcotrafiquants. C’est ce qu’avaient fait Yuritzia Lopez, candidate à la députation, et son père Arturo, commissaire agronome et fervent militant de la légalisation du pavot à usage médicinal. Une figure dans la région. Mais l’autorisation ne protège pas de tout…

Une seule route mène à cette zone reculée et montagneuse contrôlée par les trafiquants. Elle traverse de minuscules villages fantômes, où seuls quelques vieillards s’aventurent dans la rue.

Le convoi mené par Arturo s’arrête près d’un restaurant. Une fusillade un peu plus loin. « Un groupe rival de celui qui contrôle le secteur a mené un raid punitif. Il faut patienter »,annonce Arturo. Deux camionnettes de transport collectif sont aussi bloquées. L’attente commence.

Une voiture aux pneus crevés et aux vitres brisées arrive. Une femme en sort avec ses deux fils d’une dizaine d’années. « Ils ont tiré sur les voitures et braqué mes fils, raconte-t-elle sous le choc. J’ai hurlé qu’ils ne pouvaient pas tuer des enfants. Ils m’ont répondu qu’ils venaient venger le meurtre d’un enfant. »

L’attaque n’a fait ni mort ni blessés, mais les échanges de coups de feu entre cartels se sont poursuivis dans la montagne. « Nous vivons la situation la plus violente que j’ai connue dans la région, raconte Yuritzia Lopez. Les cultivateurs sont persécutés par les narcos et par l’État. »

Selon la DEA, l’agence de lutte antidrogue de Washington, plus de 90 % de l’héroïne consommée aux États-Unis vient du Mexique, en particulier de la Sierra du Guerrero, où 50 000 paysans en vivent. Plutôt mal : l’émergence du Fentanyl, un opioïde synthétique 50 fois plus puissant que l’héroïne, a fait chuter le prix du kilo de gomme d’opium.

« Les cultivateurs le vendent à peine 6 000 pesos (230 €), contre 15 000 pesos il y a quelques mois. Cela couvre peine leurs frais. Et lorsque l’armée brûle, les champs, les groupes criminels, qui ont financé les systèmes d’irrigation, réclament leur dû aux paysans », explique Yuritzia Lopez.

Pour sauver les petits paysans de la misère, la candidate milite pour la légalisation de la culture du pavot à des fins médicinales. « Le Mexique importe de l’étranger de la morphine et des médicaments pour le cancer, nous pourrions produire ici la matière première ».Une parole qu’elle ne portera pas jusqu’aux cultivateurs. Son convoi fait finalement demi-tour. Trop dangereux, tranche Arturo.


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